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Ad Solem, 2011 

    D’origine juive, russe, italienne et corse, bien que jamais rentré dans une église avant l’âge de 7 sans, le Père Michel-Marie est impressionné par le prêtre à la première messe à laquelle il assiste, un salésien :

« Dévouement et piété saisissait le moindre mouvement de son être, un prêtre, quoi ! ».

   A son contact, il se sait appelé au sacerdoce. Mais les années 70 arrivent (il est né en 59) et tout est bouleversé ! Lui-même en subira les conséquences et aura bien du mal à trouver sa voie malgré quelques saintes personnalités religieuses qui s’efforceront de le conseiller. Ce n’est qu’en 1999 qu’il est finalement ordonné par Mgr Panafieu à Marseille qui lui confie assez vite l’église Saint Vincent de Paul, au centre de la ville, qu’on était prêts à désaffecter et même à démolir.

    Il faudrait citer de nombreux passages impressionnants de justesse et de force qui émaillent cet entretien, le Père tenant toujours ensemble les deux mains qui peuvent seules venir au secours de notre humanité perdue, la justice, la vérité, d’une part, la miséricorde, la charité, de l’autre. Tout au long de son cheminement plein de détours, il aborde – sans langue de buis, mais sans acrimonie - beaucoup de sujets épineux comme le dialogue interreligieux, l’œcuménisme, la crise des vocations, la formation des prêtres, l’évangélisation, le rôle des laïcs, des prêtres (« ce dernier a reçu la charge de sanctifier, d’enseigner et de gouverner »), la défense de la vie, les rites (ordinaire et extraordinaire) qu’il dépasse par le haut, le « système ecclésial », le catéchuménat, les signes religieux (soutane…), etc… que je vous laisse découvrir : ils valent leur pesant d’or ! « De l’air, de l’air, que la grâce puisse s’engouffrer ! ». La raison, précise-t-il, doit intervenir pour consolider la foi et la vie spirituelle : « Il faut d’abord rencontrer le Christ, après on comprend tout ».

    Le plus passionnant et le plus instructif, c’est la façon dont le Père a repris la paroisse marseillaise. Cet édifice néogothique réputé inchauffable, déserté par les fidèles (les offices avaient lieu dans la crypte), est devenu un beau et grand lieu de prière pour toute la cité phocéenne. Un vrai miracle ! Sur quels critères ce miracle ? Des choses simples, éprouvées. Eglise nettoyée de fond en comble, remise à neuf pour plonger dans un autre monde quand on y rentre (« On ne peut espérer une fréquentation élevée de fidèles si l’église ne brille pas de mille feux »), ouverte toute la journée (« Nous existons, nous prêtres, pour permettre la rencontre entre Dieu et l’âme, et dans sa propre maison, quand c’est Lui qui invite, les fruits sont à tous les coups abondants… »), sous la garde d’un priant. Restauration et rétablissement du silence absolu dans la sacristie. L’église consacrée au Cœur immaculé de Marie et rosaire en entier récité tout au long du jour. Tabernacle remis au centre, au maître-autel, « le sacrifice du Christ célébré chaque jour sur l’autel majeur », suivi par une prière à Marie et l’exposition du saint Sacrement.

Toute la paroisse est gérée comme en famille (nous ne passons pas notre vie à discuter, à organiser, à réfléchir à l’orientation qu’il faut prendre ou pas prendre »). Prêtre présent à l’église chaque matin et dès 17H à la disposition de ceux qui veulent se confesser et le soir pour tout dialogue (sans rendez-vous).

Au centre et au sommet de la vie paroissiale, la célébration mystique de la sainte messe. C’est « l’habitation du mystère. Le prêtre, les fidèles et, en eux, les facultés humaines d’intelligence, de volonté, d’imagination, de mémoire, doivent être emportés – je dirai presque, malgré soi – dans le sacrifice du Christ et jusqu’en plein Ciel où il est désormais glorifié. Quant aux éléments matériels, de la chaise bien encaustiquée au retable le plus précieux, et jusqu’à l’air chargé d’encens qui circule autour de l’autel, ils sont appelés à soutenir et transporter l’âme humaine dans la compréhension, l’expérimentation, la pénétration de la Passion, de la mort et de la sainte résurrection du Christ. Voilà l’enjeu auquel nous sommes confrontés : faire descendre le Ciel sur la terre, en recourant à des éléments qui ne peuvent être que terrestres ».

La beauté de la liturgie qui ouvre et élève les cœurs est sa première préoccupation. Combien a-t-il raison ! Ainsi : le prêtre « organise le théâtre divin qu’est la liturgie. Je mets en scène l’action sacrificielle du Christ en ne sacrifiant aucun élément qui pourrait servir à la magnifier, tout en suivant bien sûr très scrupuleusement les rubriques du missel romain. Il n’y a donc rien à inventer, rien à déplacer, rien à modifier. Il n’y a que la ferveur à susciter chez ceux qui s’exposent au Corps livré, au Sang versé ; et cette ferveur, elle doit jaillir de l’être du prêtre, de son immersion dans le mystère, de sa voix qui soulève et entraîne, même si son timbre est faible, qu’importe !, une force, un élan, une conviction, doivent percer » Et il insiste sur le fait que c’est le prêtre qui est le premier responsable de la liturgie, que c’est à lui de décider de l’agencement général de la messe avec ses chants, sa musique, sas mouvements, allant jusqu’à estimer qu’il n’y a pas besoin d’animateur de chants : « le curé chante, la chorale soutient, l’assemblée suit ».

Il faut lire ce livre édifiant. Pour conclure, citons encore le Père Michel-Marie sur cette partie du livre qui me semble la plus importante qui concerne la sainte messe où, trop souvent, « le mystère est aplati par l’insignifiance de la forme ! ». « Avant de manger, il y a à contempler dans la sainte Eucharistie, et aussi à éprouver, à ressentir, à pénétrer, à pleurer peut-être, en tout cas à s’immerger dans la merveille que représente le don absolu du Christ à son Père – et sans beauté, sans unité, sans mouvement concerté, sans musique parfaitement orchestrée, sans le détail soigné, on n’y croit pas à votre Christ qui meurt et qui ressuscite !

A travers ce livre, le Père Zanoti-Sorkine pose les bonnes questions et ne peut que faire du bien parce que ce qu'il dit est vrai et peut aider beaucoup à reprendre espoir.

Claire et Patrick